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Donne nous aujourd'hui notre pain quotidien

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« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. » Cette formule s’applique à l’aliment matériel sur quoi repose la vie du corps, et en même temps à ce pain de la grâce et de l’inspiration sur quoi repose la vie de l’esprit. Dans le monde tel que nous le trouvons aujourd’hui, les deux catégories de pain font lamentablement défaut. La plupart des habitants de notre planète n’ont pas suffisamment à manger, et la plupart d’entre eux sont des adorateurs idolâtres de faux dieux – l’état, le parti, le patron, le dogme politique local qui prévaut. Étant adorateurs de faux dieux, ils se sont rendus plus ou moins complètement inaccessibles à la grâce, à l’inspiration et à la connaissance du Dieu véritable.

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Aldous HUXLEY

L’idolâtrie et la faim, l’adoration de la nation et la recherche des marchés des matières premières et du Lebensraum – ce sont là les causes primordiales de la guerre. S’il doit y avoir la paix et la collaboration harmonieuse entre les hommes, il faut travailler à l’élimination de ces deux facteurs producteurs de guerre. En d’autres termes, il faut travailler à pourvoir tous les êtres humains du pain qui nourrit le corps et de cet autre pain de la grâce divine qui nourrit l’âme. Tout ce qui se tient entre le besoin physiologique fondamental et le besoin spirituel fondamental est une source de division plutôt que d’unité. Tous les hommes sont d’accord sur la valeur de la nourriture, d’un abri et des vêtements, et tous ceux qui sont disposés à collaborer avec la grâce sont d’accord sur la valeur de l’expérience spirituelle. Mais tous les hommes ne s’accordent pas, et ne se sont jamais accordés, sur le gouvernement, sur le système économique, sur l’art, sur la religion (sous ses aspects dogmatique et ecclésiastique).

Cela étant, la seule conduite sensée à tenir, c’est de consacrer plus d’attention aux choses sur lesquelles nous pouvons nous accorder, et moins à celles au sujet desquelles aucun accord n’est probable ou même possible. Cela signifie, en pratique, que nous devons nous préoccuper primordialement, non pas comme c’est actuellement le cas, des problèmes du pouvoir et de l’orthodoxie idéologique, mais de ceux qui ont trait au pain, matériel et spirituel. Les problèmes de la première catégorie sont insolubles à leur propre niveau, et, dans le processus de n’être pas résolus, conduisent à la guerre. Les problèmes de la seconde catégorie sont solubles, et, dans le processus d’être résolus, contribuent à la solution des problèmes du pouvoir et de l’orthodoxie, et, partant, favorisent la paix. Dans le monde d’aujourd’hui, tourmenté par la guerre, les gens les plus utiles sont ceux dont la préoccupation est celle du pain quotidien – ceux qui produisent et maintiennent la nourriture pour le corps des hommes, et ceux qui se permettent, et apprennent aux autres à se permettre, d’être nourris par le pain de la grâce qui donne la vie à l’esprit.

Swami Prabhavananda appartient à la seconde catégorie de gens utiles, et l’un des moyens par lesquels il se rend le plus largement utile est celui de la traduction et de l’interprétation. En collaboration avec Christopher Isherwood, il nous a donné une version admirable du Gita, et plus récemment, en collaboration avec Frederick Manchester, il nous a donné une version également lisible des principales Upanishads.

« Celui qui voit tous les êtres dans le Moi, et le Moi dans tous les êtres, ne hait personne. » L’homme qui ramène hors du passé ce message constamment oublié, et qui est capable d’apprendre aux autres à voir tous les êtres dans le Moi, et le Moi dans tous les êtres, rend un service important à la société. Ceux, au contraire, qui se donnent comme serviteurs de la société – les politiciens et les idéologues – voient tous les êtres comme des éléments du super-Moi de l’état national, et le super-Moi de l’état dans tous les êtres ; en conséquence, ils haïssent à peu près tout le monde, et prêchent à leurs semblables la nécessité de cette haine. Ces soi-disant serviteurs de la société sont en réalité les pires ennemis de la société. Tandis que les partisans décriés de l’» évasion », qui se préoccupent de ce qui est au- delà de la politique, au niveau spirituel (ainsi que les producteurs de nourriture, qui se préoccupent des questions au niveau physiologique) sont en réalité les meilleurs amis de la société et les inspirateurs de la seule politique raisonnable.