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Le manifeste de l'apolitisme

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Tout société humaine s’apparente fatalement à une pyramide, où les individus sont semblables à des pierres mouvantes qui s'emboîtent et s’agencent les unes avec les autres selon un plan plus ou moins précis propre à chaque société.

Une pyramide est une construction solide, formée d’une base de forme quelconque sur laquelle repose une pointe, dont la droiture, quoique contribuant légèrement à l’esthétisme et à la grandeur de l’édifice, n’en influe nullement sur la stabilité, qui ne saurait être assurée que par la largeur de la base et la discrétion que la pointe a vis-à-vis de cette même base. Au moindre trouble, c’est l’ensemble de l’ouvrage qui vacille, et chaque pierre s’éprend d’un tremblement proportionnel à son altitude, avec des secousses d’autant plus visible que l’on s’approche de la cime et que l’on s’éloigne des racines, alors que c’est précisément elles qui encaissent la majorité du choc. Quoiqu’en apparence plus alarmante, il est vain et naïf de s’efforcer d’apaiser l’agitation du sommet, car c’est la même que celle de la base et que tout gain de stabilité à son niveau sera transmis et décuplé à l’ensemble de la structure par simple effet de levier. En outre, mieux vaut, au milieu du tumulte, éviter de consolider la pointe, ce qui ne ferait qu’augmenter la force de ses saccades, et essayer de soulager au maximum le fardeau des pierres qui les subissent. Et peu importe la façon de les agencer, que ça soit en cercle, triangle ou carré, seule l’harmonie de l’assemblage leur donnera la puissance de supporter le remous des grandeurs, unique, immuable et éternel, car toutes les pointes se ressemblent. Alors seulement pourra-t-on espérer que la structure traverse les âges et les cieux pour accomplir l’infinie et mystérieuse volonté de son architecte. Et si du premier coup d’œil, on peut avoir l’impression que le sommet de la pyramide est sur le point de toucher les étoiles, c’est bien l’ensemble de la pyramide qui le fait à travers ce-dit sommet, et ce précisément parce que le sommet repose sur la base et non pas parce que la base est tirée par le sommet, comme ce-dernier peut très rapidement s’en persuader.

apolitisme
Véritable drame des apparences de la hiérarchie sociale : quand ceux d'en haut regardent en bas, ils ne voient que de la merde, et quand ceux d'en bas regardent en haut, ils ne voient que des trous du cul.

Il y a ainsi dans la construction d’une pyramide nécessité de choisir l’agencement global des briques, art que nous appelons politique dans le cas de la pyramide humaine, pour donner un cadre à l’harmonie concrète et locale des pierres, seule garantie véritable de la stabilité de la structure et accessoirement du bonheur de ses composants. S’il est ainsi nécessaire de choisir un plan global, le résultat du choix a une importance toute relative face à l’ajustement locale, de même que l’outil a une importance toute relative face au savoir faire. Peu importe que la pyramide soit triangulaire ou pentagulaire, sa stabilité découle avant tout de la justesse de l'emboîtement des pierres les unes avec les autres. Autrement dit, une société humaine composée de gens bien intentionnés, c'est à dire de gens qui aiment la vérité, qu'elle soit démocratique, anarchiste, communiste ou monarchique fonctionne, tandis qu'aucun régime, aussi élaboré soit-il ne saurait compenser la discorde qu’un peuple de gens mal intentionnés engendre. C’est sur ce simple constat que se base l’apolitisme .

L’apolitisme est une doctrine politique, qui se démarque de ses congénères par le fait qu’elle leur tourne en apparence le dos. L’essentiel, pour elle, est l’expérience instantanée de la vie quotidienne, sur laquelle elle invite à se concentrer directement et pleinement, plutôt que sur des concepts abstraits et détournés censés l’influencer, de même que l’artiste déploie avant tout son génie sur son œuvre plutôt que sur ses prototypes. Elle affirme que la vie des Hommes est supportée par une poignée d'âmes qui humblement et en silence rattrapent les maladresses des gens faisant semblant d'être important, et de ceux qui croient à leurs mensonges parce qu’ils voudraient être à leur place. Pour elle, peu importe que telle ou telle loi stipule, que tel ou tel dirigeant dirige, que tel ou tel régime régisse, ce ne sont que des questions superficielles détournant du vrai combat, à savoir des innombrables petits drames du quotidien. L’action apolitique va chercher le cœur du problèmes, elle se situe à chaque instant et en tout lieu, et non pas une fois par mois dans une manifestation ou un bureau de vote plus ou moins arbitraire. Pour elle, un sourire bienveillant, un pardon authentique, une faveur désintéressée ont chacun plus d’impact sur la vie individuelle et collective que n’en n’auront jamais tout les alinéas réunis d’un code civil. Ainsi, contrairement à l’engagé politique qui fonde son action sur un changement global en espérant que cela améliore sa situation locale, l’engagé apolitique fonde son action sur un changement local en espérant que cela améliorera la situation globale. Son combat n’a ni fin ni limites, car il n’est pas fondé sur sa frustration personnelle, mais au contraire sur son amour impersonnel qu’il tâche de faire croître à l’infini. L’engagé apolitique milite constamment, étant aux aguets du bien qu'il peut faire et du mal qu'il a cru ne pas faire. Il fait de son mieux, et sais que ça n’est pas assez. Il sourit aux gens qu’il croise, aide ceux qui le sollicitent, et souhaite le meilleur au reste. Il ne regarde pas vers le haut, ni vers le bas, mais autour de lui, car il sait qu’il ne peut voir que ça. Il tolère les opinions des autres, surtout les plus extrêmes, car il sait que qui ne tolère pas les intolérants ne se tolère pas lui-même. Il ne se concentre pas sur ce que tout le monde voit mais sur ce que personne ne regarde car il sait que c’est là où l'effort est le plus dur et le plus impératif. Il s’efforce de comprendre plutôt que de juger, surtout les méchants, car il sait qu'il ne sait pas ce qu’il se passe dans leur cœur. Il ne cherche pas la gloire, car il sait que c’est une illusion gonflée de malheur. Il s'émeut fortement de la misère du monde, car il sait qu’elle prend racine dans son propre cœur. Il ne dit pas aux autres ce qu’ils doivent faire ni ne parle en leur nom, car il n’est pas lui-même sûr de son action. L’engagé apolitique se remet perpétuellement en question car il sait qu’il n’a pas de réponse. Il ne prétend pas changer le monde mais commencer à le changer, et en commençant par lui-même.

L’apolitique ne regarde pas les titres et les uniformes, car il ne voit que des hommes, plus ou moins bien déguisés. Il n’a que faire de la société à laquelle il préfère l’humanité. Il considère qu’elle n’est qu’un outil sans existence propre au service de l’organisation de la vie Humaine. Il fait peu de cas des lois, elles-même simples outils au service de la société, et encore moins de l'autorité, au service des lois. Pour son prochain, il n'a pas peur de prendre des risques, de braver l'interdit ni de casser les codes, car il ne craint d’autre jugement que le sien. L’apolitique se méfie de la Justice, car elle cherche moins à comprendre qu’à juger, elle cherche moins à réparer les torts qu’à les compenser en en commettant d’autres, étendant la blessure de l’offensé à l’offenseur, ajoutant simplement un maillon de plus à la longue chaîne de la souffrance. L’apolitique n’est pas satisfait par la vengeance ni par l’égalisation, il veut apporter au monde, il veut donner et non pas rendre, il veut stopper le cycle de la violence, il veut avoir un bilan positif et non pas nul, comme s’en enorgueillit la justice, c’est pourquoi il comprend au lieu de juger, pardonne au lieu de condamner. De tous les pouvoirs, l’apolitique n’en estime qu’un seul, le plus noble, le plus puissant et pourtant le plus déprécié, le pouvoir de partager son bonheur. Il ne perd pas d’énergie dans la violence, dans l’argumentation, dans le jugement ; il agit.

Toute pyramide digne de ce nom a besoin d’une pointe et d’une géométrie. L’apolitique ne rejette pas la politique, car les deux sont liés et non pas incompatibles. Il tient simplement à la laisser à sa place, qui est celle d’un outil, nécessaire mais arbitraire. Il n’oublie pas son objectif, qui est le bien commun. C’est pourquoi il se méfie d’abord de lui-même et du confort moral et social qui peut facilement le piéger, car il n'est ni un bisounours, ni un héros, c'est un Homme.

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