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Le manifeste du stop

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Il est indéniable que l'amour transcende l'acte sexuel, bien que cela soit difficile à comprendre voire même à envisager pour qui n'a considéré la chose que comme un besoin à assouvir ou comme une denrée que l'on monnaie contre argent, pouvoir ou autre futilité. Le sexe devient alors un acte d'amour, extase profonde qui inclut et transcende le plaisir et le besoin sexuel, comme la danse peut transcender le mouvement, comme la joie peut transcender la vie. Le cœur de l'acte passe alors de l'assouvissement frénétique d'un besoin à l'approfondissement de la relation à l'autre et à soi. Dit plus grossièrement, il y a tout les avantages du monde à faire l'amour plutôt que d'aller aux putes : c'est infiniment meilleur, plus sain et moins cher... à condition d'accepter d'abandonner le contrôle du déroulement de l'acte, ou plutôt de le partager avec l'être aimé.

Si je vous disais maintenant qu'il existe un aliment extraordinaire qui, à l’instar de l’amour, transcende l'appétit et qui se nomme ambroisie : un aliment délicieux, dont la saveur engendre un bonheur profond qui transcende le plaisir immédiat, colorant à chaque bouchée l'existence d'une teinte nouvelle et lumineuse. Si je vous disais que cet aliment est également exceptionnellement sain, pur et écologique, ne contenant d'autre additif que la joie qu'il vous procure. Si je vous disais, qu'en plus, cet aliment est gratuit, disponible à toute heure, en tout lieu et en toute situation. Si je vous disais que, à la maigre condition de renoncer à l’habitude de pouvoir décider du temps qu’il faut pour l'ingurgiter, cet aliment est accessible à tous et que pour en manger, il suffit simplement de décider de le mettre dans la bouche, accepteriez-vous d'y goûter ? Hélas, jusqu'à nouvel ordre, l'ambroisie semble être réservée aux dieux olympiens. Heureusement, il existe une autre nourriture divine, ayant exactement les même qualités, mais sur un registre légèrement différent, et à laquelle on peut facilement goûter : celle du voyage, qui est au déplacement ce que l'amour est au cul et ce que l'ambroisie est à la bouffe ; une façon enivrante, écologique et gratuite de se déplacer : le stop.

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Le pouce en l'air, symbolisant le stop et la joie qu'il procure, a de tout temps été repris par divers groupes idéologiques.

Rien de plus aisé que de goûter la nourriture des dieux le temps d'un voyage, la recette est simple, il suffit de s’en donner la peine : se poser à côté de la route, lever le pouce et attendre. Essayez, vous serez surpris du résultat. Évidemment, pour que la mayonnaise prenne, il faut une certaine disposition intérieure ; en stop, on part quand on veut et on arrive quand on peut. Il faut accepter de ne pas contrôler son horaire d’arrivée, même si le lecteur de bonne foi conviendra qu'il en est de même des transports usuels ; cela revient simplement à assumer le débordement de l'horloge plutôt que d’en décharger la responsabilité sur le reste du monde comme le veut la tradition. Il peut aussi être déroutant pour l’apprenti stoppeur de voir défiler des milliers de voitures vides sans qu’aucune ne s’arrête et le rendre aigri, mais si le destin est correctement accepté, seule la joie perce dans ce moment magique de liberté. Vous serez seul, comme un con, visiblement abandonné sur le bord de la route mais curieusement, un sourire enthousiaste va se dessiner sur votre visage réjoui et fera un contraste troublant avec les mines renfrognées de la plupart des conducteurs bien au chaud dans leur grandes voitures. Mais vous les comprendrez, car vous étiez jadis à leur place, comme eux, vous ne pouviez pas savoir, vous n’aviez pas idée de ce que vous ratiez. Après tout, ils sont libres, vous n’êtes pas là pour forcer qui que ce soit, tant pis s'ils ratent leur chance, leur tour viendra. Puis, enfin, que ce soit par expérience du stop, par son grand cœur, ou sur un coup de tête, une âme charitable va s’arrêter et vous offrir l’accès à son humble véhicule, qui aura à vos yeux un charme onirique. Ainsi commence l’éternelle aventure du stop, qui se prolongera bien au-delà de ce premier chauffeur, en se perpétuant à jamais dans votre cœur.

Le stop ne saurait être comparé au covoiturage, ça serait comme comparer l’amour à la prostitution, le cosmos à une salle d’attente, l'océan à une baignoire. Faire du stop, c'est toucher du pouce l'essence du voyage, c'est vivre pleinement l'aventure de la vie, c'est donner à l'univers l'occasion de surprendre, d'éblouir de sa richesse infinie. C’est vivre un partage pur et sincère, c'est rencontrer des gens formidables, différents, inaccessibles par nos étroits cercles relationnels et technologiques, et partager leur intimité et leur humanité le temps d'un trajet. Faire du stop, c'est aussi sentir l'air frais de la route, c'est sourire aux étrangers et à l'inconnu, c'est être à la fois seul maître de sa route et disciple de son itinéraire. Faire du stop, c'est aussi marcher sous la pluie, c'est attendre plein de doute et d'espoir, c'est vivre la galère d'être seul, sans aide et vivre l'euphorie de se faire prouver un fois de plus que c'est faux. Faire du stop, c'est surtout être libre et léger, c'est abandonner tout contrôle, lâcher prise, c'est rencontrer la plus belle face de l'humanité, celle de l'entraide, de l'amour et de la confiance, c'est voir qu'elle est présente partout, dans tous les milieux sociaux, économiques et politiques, comme des diamants sans éclats éparpillés dans l'apparente misère du monde. On est alors libre, on ne contrôle rien, mais tout est possible.

Le stop, c’est plus qu'un moyen de transport, c'est une philosophie. C'est prendre des risques, embrasser l'inconnu, détruire ses idées reçues. C'est faire confiance à la vie et aux gens, c'est aller soi-même au devant de la réalité plutôt que de faire confiance aux préjugés. C'est se rendre compte que les plus beaux moments de notre vie ne sont jamais prévus. C’est se sentir partie intégrante de notre humanité déchirée. C'est goûter la sécurité infinie du détachement, c'est vivre l'autonomie de celui qui sait se faire aider. C'est créer de l'échange, du partage, de l'entraide, c'est redonner un souffle à cette humanité asthmatique qui s'enorgueillit de sa solitude. C'est participer à la renaissance d'un mouvement humble, profond, qui réchauffe les cœurs directement à la source de leurs détresse, et dont la douce révolution de l’amour a besoin pour s’opérer. C’est une clef essentielle d’une société durable, qui ne saurait fonctionner sans partage, compréhension et coopération. C'est une étape capitale du chemin collectif de la conscience. Si l’humanité s’arrête un jour de stopper, elle chavirera dans sa course folle.

Le stop est à l'image de la vie : pas de tout repos, jamais simple, mais si beau. Si vous êtes trop pressé, donnez vous cette occasion de voir le temps autrement. Si vous avez peur, éteignez la télévision et allez voir par vous-même. Si vous avez eu une mauvaise expérience, pardonnez à la vie, comme elle vous pardonne chaque jour sans que vous vous en rendiez compte. Il n’y a pas d’excuse, pas de prétexte, c’est à chacun de trouver la force de réveiller l’âme du stoppeur qui sommeille en lui et qui rêve de tout son soûl d’un monde meilleur.

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