Cliquer pour obtenir un manifeste !
Si vous avez un projet de biographie, cliquez ici !

Le manifeste de l'exposition au froid

1017

download

2

Un jour, un homme travaillant dans une boucherie s’enferma par erreur dans la chambre froide. Il était malheureusement le dernier employé sur place et y passa la nuit. Le lendemain, en ouvrant la porte, ses collègues le retrouvèrent mort, ce qui les surprit d’autant plus que la chambre n’était pas allumée. La température était bien au-dessus du seuil mortel. Seulement, il était tellement persuadé du contraire qu’il en est mort. Sa panique l’a tué.

exposition au froid
Le froid nous révèle ses trésors dès que l'on sait voir au delà des apparences, ce qu'il essaye d'ailleurs lui-même de nous enseigner à travers la puissante métaphore de l'iceberg.

Il est vrai que le froid peut être mortel, au même titre que la mer ou l’espace. Pourtant, ces-derniers ne sont pas nos ennemis, loin de là. Il en est de même pour le froid, auquel on associe la peur qu’il suscite et que l’on accuse des maux que la frayeur déclenche en nous. Le froid ne cause pas de maladie, ce sont les microbes en nous qui les provoquent. Il n’est pas non plus responsable de notre affaiblissement. La pollution, une mauvaise alimentation, une émotion refoulée, un verre d’alcool, tout cela nous affaiblit bien plus que ne l’a jamais fait le froid. Le blâmer pour nos malheurs revient à blâmer la mer en se noyant parce que l’on refuse de nager. Simplement, pour aller dans l’eau, il faut apprendre à nager et pour aller dans le froid, il faut apprendre à s’exposer ; et pour apprendre, il faut s’entraîner, en s’exposant volontairement. Et par miracle, dès que l’on s’y essaie sincèrement, on ne peut que constater à quel point cette pratique va au-delà du simple entrainement.

Comme la nage, savoir résister au froid est utile, mais on peut parfaitement vivre sans. La capacité de s’exposer au froid n’est pas une fin en soi, mais l’exposition volontaire au froid l’est. Elle nous est aussi salvatrice qu’un sourire peut l’être à un déprimé, comme une chose essentielle qu’il juge superflu parce qu’il en a perdu l’essence. C’est une pratique spirituelle fondamentale qui, comme toute pratique spirituelle, dévoile les vérités profondes de l’existence dès que l’on cesse de la voir comme un outil. De même qu’une personne commence à nous faire grandir dès l’instant où on l’aime pour ce qu’elle est et non plus pour ce qu’elle peut nous apporter. C’est une façon de comprendre la phrase de Jésus : “Cherchez le royaume des cieux, le reste viendra par surcroît”. S’exposer au froid accroît inévitablement la résistance au froid, mais celui qui recherche uniquement cela passe à côté de l’essentiel. Peu importe de tenir 10 ou 20 minutes dans la glace, ce qui compte, c’est de comprendre et d’aimer le froid, comme un marin peut aimer la mer, comme un berger peut aimer la montagne. Alors seulement, on devient capable de bénéficier de ses bienfaits qui n’ont rien à voir avec ce que l’on s’imagine car notre imagination est incapable d’en concevoir, elle ne sait que nous vendre avec la verve d’un charlatan des événements censés les déclencher.

Même bien appréhendée, l’exposition volontaire au froid reste une épreuve, mais qui a tant de bons côtés qu’il serait dommage de s’en priver. Simplement, la difficulté n’est pas là où on l’attend, elle n’est absolument pas physique, ni mentale mais spirituelle. La seule chose à faire, c’est de ne rien faire justement, c’est de ne pas lutter, de ne pas réfléchir, mais d’accepter, de faire confiance. Alors le physique et le mental se calment et le contact du froid devient infiniment plus doux et simple que prévu, précisément parce que la principale difficulté est d’arrêter de prévoir qu’il sera difficile, ou plutôt d’arrêter d’écouter cette partie de nous qui essaye de nous en convaincre et qui nous rend ainsi vulnérable, comme a pu en faire les frais le pauvre boucher du début.

C’est plus facile à dire qu’à faire, et même si la confiance relève simplement d’une disposition intérieure, elle est extrêmement difficile à cultiver. Car il faut se débarrasser de cette partie de nous, toujours la même, qui est persuadée d’avoir des bonnes raisons de la piétiner, et qui va s’accrocher à nous jusqu’à la mort. Et même si cette partie ne vit que dans nos pensée, elle ne peut être délogée que par l’action, qu’elle s’efforce d'inhiber de tout son soûl. D’où le cercle vicieux qu’il faut briser. Nous avons pris l'habitude de l’écouter, nous pensons lui être redevable pour ça et en plus, elle se cache dans notre ombre, elle prétend nous être indissociable. Elle nous connait mieux que quiconque car elle fait partie de nous, et va utiliser toutes nos faiblesses pour survivre et arriver à ses fins. Si bien qu’il est très difficile de la repérer, et ça n’est jamais en entier. Mais plus on la voit, plus son pouvoir de nuisance diminue et plus il devient facile de ne pas l’écouter.

Et si on accomplit cette tâche difficile d’introspection, de confrontation et de remise en question avec assez d’enthousiasme, de curiosité et d'honnêteté, alors le froid va nous rendre au centuple l’effort fourni par un cadeau inestimable et pourtant si souvent couronné d'ingratitude, en comblant nos besoins et à la place de nos désirs. Il procure d’abord, par simple effet mécanique, une vitalité, une longévité et une santé qui justifient à elles-seules une telle démarche, mais ses véritables bienfaits sont infiniment plus profitables, concernent l’être dans son ensemble, mais sont totalement incompréhensibles sans l’expérience du vécu et inaccessible sans une ouverture de coeur, si infime soit-elle.

À chaque fois que l’on s’expose volontairement au froid sans autre raison que pour la finalité de l’acte, on sent immédiatement une vigueur dont la portée dépasse le physique et qui s'étend à tout les niveau de l'être. On se sent d’un coup vivant, apaisé et vivifié, comme réparé en profondeur par des petits lutins. A chaque fois, on se donne l’inestimable cadeau d’embrasser la noblesse de ce geste sublime qu’est l’abandon du confort immédiat pour son bonheur profond, par amour de soi et de plus grand que soi. A chaque fois, on redécouvre un peu plus le fabuleux pouvoir de la confiance, qui paraît si absurde à la raison, on redécouvre que l’on peut vaincre sans lutter, que l’on peut triompher modestement, et ainsi bénéficier de la sérénité profonde que prodigue le contact de l’humilité. Petit à petit, on apprend à mieux se connaître, corporellement et mentalement, à se sentir en harmonie avec le monde et non plus en confrontation, à l’accepter et l’aimer tel qu’il est, à agir dans la paix et plus dans la peur. On vit le fait d’en faire partie, de ne plus s’en sentir séparé. Petit à petit se propage dans notre être la bénédiction du froid, fruit de son pouvoir mystérieux qui n’a de cesse de nous purifier de l’intérieur dès qu’on se donne la peine de le laisser rentrer, agissant lentement mais sûrement, améliorant l'estime de soi, nourrissant l'optimisme du cœur, assainissant la relation à soi-même, nous rendant cette sensation si exaltante, si absolue de l’unité de l’être. On vit et comprend concrètement tous ces concepts abstraits et bien d’autres encore. C’est là d’ailleurs la finalité de toute pratique spirituelle que de comprendre par le corps et l’action ce qui serait vain d’essayer de comprendre par l’esprit, et même finalement la finalité de toute pratique, dès l’instant qu’elle n’est pas avilit à un outil censé résoudre un soucis de matérialité. Chacun ne peux que choisir celles que le hasard du destin lui permet de pratiquer et surtout en lesquels il lui permet de croire, mais il n’empêche qu’entre toutes, peu sont aussi fondamentales et cumulent autant d’avantages que l’exposition au froid, n’ayant aucune contrepartie, ni d’autres obstacles à sa pratique que les vils angoisses dont l’âme souffre. Elle n’est ainsi aucunement indispensable ni irremplaçable, mais tant qu’elle semble effrayante et incompréhensible, c’est qu’il reste du chemin à parcourir avant de trouver la paix, qui elle seule nous rend digne de la générosité sans borne du froid et de ses miracles.

Pages en relation :

Inscrivez-vous ici pour recevoir un mail à chaque nouveau manifeste !